jeudi 30 juillet 2020

Oschwien Biano, ou l'injonction à penser avec le cœur

Vous avez peut-être croisé ce texte et peut-être vous êtes vous même dit "Putain, mais ouais, il a raison le gars !" et vous vous êtes fait avoir. Depuis quelques semaines circule sur le net le même suivant :

D'après Oschwien Biano (un Chef de la nation Pueblo), les Blancs étaient fous parce qu'ils prétendaient penser avec la tête, et qu'il n'y a que les fous pour penser ainsi. Cette affirmation du chef indien me surprit beaucoup et je lui demandai de me dire avec quoi il pensait, lui. Il me répondit qu'il pensait avec le cœur.

Le procédé est simple, c'est de la manipulation mentale de base, plutôt que de nous dire directement "Mais arrêtez de réfléchir, laissez-vous guider par vos émotions bordel !" qui aurait sans doute moins de succès, on rechigne en effet à obéir à des ordres qui nous disent quoi faire, on utilise un tiers imaginaire (hé oui, Oschwien Biano n'existe que dans ce même). Ce qui est assez pervers ici, c'est qu'en plus d'utiliser ce tiers imaginaire, on utilise une autre manipulation qui repose sur la flatterie et la peur. Comment fait-on celà ?

Tout d'abord la flatterie, on présente une phrase censée résumer la pensée d'un sage et on te donne l'illusion de libre arbitre : tu es intelligent, donc tu as le choix d'adhérer ou non à ce qui t'est présenté. Pourquoi est-ce que je parle d'illusion de choix ? Parce que ce choix t'est proposé en public et qu'il est fait pour persuader une majorité de personnes, le mot persuader est important. De fait si tu as l'audace de remettre en doute la voix du sage, tout ses disciples te considéreront immédiatement comme "pas d'la bande" et des comptes te seront immédiatement demandés alors que si tu approuves, tu viens grossir les rangs des "Disciples de Biano", les gens qui "réfléchissent" avec le coeur. Et donc le second procédé mis en oeuvre est une menace tacite d'exclusion du groupe.

Pascal, philosophe et fervent croyant avait lui aussi exprimé cette pensée pour exprimer sa lassitude face à tous ces scientifiques tentant de "prouver" l'existance de dieu alors même que la foi est un arbitrage de "cœur" du doute. Il l'avait exprimé au travers de cette maxime que tout le monde connait :

Le cœur a ses raisons que la raison ignore.

L'injonction qui est faite au travers de cette citation d'un "sage" imaginaire est la suivante, arrête de réfléchir, laisse toi guider par tes sentiments. C'est séduisant, presqu'irrésistible et tellement flatteur pour les feignasses que nous sommes : A quoi bon se triturer le ciboulot, on sait bien au fond de nous qu'on le veut ce nouvel i-phone non ?

Non, bordel ! NON !

On ne sait pas au fond de nous l'entourloupe qu'il y a derrière l'emballage attrayant. Il est nécessaire de peser ses décisions. Et l'intuition n'est pas toujours bonne conseillère. On le sait, elle nous a déjà mis dans la merde un bon paquet de fois.

Et alors ? Est-ce là un grand pêché ? Un crime ? Un danger ?

J'ai déjà dit ma réponse à cette question. Si je ne réfléchis pas. Je réponds systématiquement oui à la majorité des discours publicitaires et me trouve très vite face à de nombreuses contradictions. On me parle en effet de liberté pour justifier l'insulte ou la haine de l'autre. D'égalité pour justifier des taxes inéquitables. De traditions pour justifier de cruautés. Mon coeur aime les traditions, la liberté, le principe d'égalité mais ma raison sait reconnaitre leurs dévoiement. Alors je le dis haut et fort, la peste soit d'Oschwien Biano et des oschwienbianovistes !

mardi 21 juillet 2020

Tagazou Youpie, on a des centaines de milliards

Aujourd'hui, 21 juillet 2020, Emmanuel Macron, président de la plus large des minorités de français en 2017 a qualifiée la journée d'historique. Au cas où, lecteur improbable, tu tombes sur mon défouloir, c'est aujourd'hui que s'est décidé un emprunt de 750 milliards d'euros en europe. C'est donc aujourd'hui aussi que des élites ont décidé de filer sur les années à venir, au bas mot, 1 500 milliards d'euros. Et qui c'est qui va donner tout ça au grand méchant loup de la finance ? Hein ? Allez un ptit indice ? Ben c'est pas Macron ce sont les cons de contribuables des états.

On entend déjà (pas vous ?) les "ah ben non, pas possib, la dette vous savez ? Tout çà, tout çà" décliné sur tous les tons (florilège):

  • Augmenter les infirmières ? Ah ben non, pas possib, la dette vous savez ? Tout çà, tout çà.
  • Financer du logement social ? Ah ben non, pas possib, la dette vous savez ? Tout çà, tout çà.
  • Construire des écoles ? Ah ben non, pas possib, la dette vous savez ? Tout çà, tout çà.
  • Désengorger les prisons ? Ah ben non, pas possib, la dette vous savez ? Tout çà, tout çà.
  • Embaucher des contrôleurs fiscaux pour éviter l'évasion ? Ah ben non, pas possib, la dette vous savez ? Tout çà, tout çà.
  • ...

Mais pourquoi diable débloque-t-on ces masses pénoménales d'argent ? C'est là que ça devient beau : c'est pour "Sauver la monde" ... Ouf ... "du business et de la finance" ... Aïe. Parce que voyez vous, que des gens se soient mis en danger pour que ce monde du business et de la finance (appelons le "Monde DBEDLF") engageant jusqu'à leur vie n'était pas suffisant. Il se trouve que de vilains ont profité du confinement pour, moins acheter d'escence, faire moins consommer électricité à leurs entreprise voire, les cuistres, à consommer seulement local et responsable. Les salauds !!!!

Heureusement, le Monde DBEDLF a fait appel à ses meilleurs agents et s'est donc assuré pour les années à venir (disons répartis sur 30 à 40 ans) des revenus confortables au détriments de qui ? On l'a dit plus haut, suivez bordel: des contribuables, c'est à dire vous et moi. A-t-on jugé utile de nous demander notre avis ? Je vous laisse répondre à cette question épineuse et plus ardue qu'il n'y parait au premier abord.

samedi 4 juillet 2020

Ipsedixitisme, ultracrépidarianisme et réseaux sociaux

Ipsedixitisme est un latinisme, il substantive la locution latine Ipse dixit qui signifie littéralement "Il a dit" avec un sens de référence dans ce "Il" donc plus prosaïquement on peut le traduire par "Le maître a dit". Au delà du fait qu'on peut toujours se la péter en utilisant un mot peu commun, ce terme prends son biais le plus retors quand il provient des réseaux sociaux.

En quoi facebook, linked-in, twitter ou encore instagram peuvent ils biaiser ce comportement puisqu'ils permettent à tout un chacun d'exprimer son opinion et donc à priori expose toutes les opinions de manière égale laissant au lecteurs le bonheur de se faire une opinion éclairée de sagesse populaire. Déjà, rien que ça pourrait être effrayant tant on sait que ladite sagesse populaire relève plus de la superstition que d'autre chose mais les réseaux sociaux évitent ce genre de choses. En effet, leurs algorithme vous affichent des publicités et surtout des publications que vous avez décidé de suivre et de vos amis. Hors nous sommes tous un peu crétins et plutôt que de suivre les opinions opposées nous avons tendance à avoir des amis avec qui nous avons beaucoup en commun et suivons des publications qui ont, a un moment ou un autre flatté notre égo. Nous lisons donc beaucoup plus de textes qui nous confortent dans notre pensée, bonne ou mauvaise, que d'opinion opposées ou même simplement divergentes. Ce mécanisme est renforcé par le fait que nous avons le pouvoir, sur ces fameux réseaux, de cacher, volontairement, les messages des personnes dont la pensée nous bouscule dans nos certitudes. Petit à petit nous nous retrouvons enfermés dans un monde d'information qui nous révèle jours après jours notre propre pensée.

Ce flot d'ipsedixitisme favorise fortement l'ultracrépidarianisme .

Ultracrépidarianisme est là encore un latinisme, qui dit en un mot, certes pas simple, notre propension à accorder plus de crédit aux arguments qui vont dans notre sens qu'aux autres. Nous sommes en effet plongés par les réseaux sociaux dans un environnement ou notre pensée nous semble majoritaire, ce qui renforce l'effet de l'ultracrépidarianisme et donc nous pousse à penser que notre pensée est majoritaire, raisonnée et vraie. Cela flatte l'orgueil mais c'est souvent faux. Les élections, les faits d'actualités, les gens que l'on ne peut s'empêcher de croiser, nous le rappellent régulièrement.

Merci à Etienne Klein pour ces deux jolis termes.